4. La cerise du désir
4. La cerise du désir
Ce jour là, Josy remontait gaiement la rue Ordener vers Jules Joffrin, quand Lekervelec, déboulant d’Eugène Sue, faillit lui rentrer d’dans. Reconnaissant sa « petite loufiate », il entreprit de l’accompagner jusqu’au Nord-Sud où elle allait prendre son service. Josy, comme à chaque fois qu’elle était au contact du Loïc, et qu’il lui causait, se mit à avoir les intérieurs embués et les compas en ellipse ! Lekervelec, qui commençait à comprendre qu’il avait -pauvre agnelle!- la gamine à sa pogne, passa, comme pour rire, son bras autour de la taille de Josy, qui se transforma en flaque, aussi sec !
C’est, presque arrivé au Nord-Sud, juste devant l’métro, qu’il lui proposa de passer la chercher un d’ces soirs, histoire d’se faire un gentil petit restau, et un tour by night sur la Butte… Josy aurait dû dire non, ce jour là . Non, Monsieur Lepudubec, non, Loïc La Colique… Oui, elle aurait dû dire non, ce jour là…
Mais au lieu du non salvateur, elle annona un « oh oui, mais un jeudi soir, alors, parce que l’vendredi, c’est mon congé …». Loïc Lekervelec venait de commettre sa première vilénie… car en fait de restaurant et de p’tit tour sur la Butte, il avait plutôt dans les idées d’la faire fluncher et d’la grimper dans sa cahute, au 6ème sans ascenseur d’un immeuble tout pourri, à la Goutte d’Or… Parce que Monsieur Lekervelec, peintre de Montmartre, frayait p’têt à Abesses, mais zonait à Barbès.
Josy allait mettre le doigt dans l’engrenage fatal, qui mène les filles du bord de mer des lustres du Casino, à la plage abandonnée, coquillages et crustacés… Mais Josy voulait profiter d’la vie, complètement, à fond, poignée d’gaz dans l’coin, sans remords et, surtout sans regrets. Car comme le lui avait enseigné sa mère : « quand t’as sucé la c’rise, regrette pas l’noyau».
Pour l’noyau, j’sais pas, mais les pépins, ils allaient lui tomber d’ssus, et avant pas longtemps, encore…
(à suivre)