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Lavis noir
26 mai 2008

59 - Sans barbe

kleenex

59 - Sans barbe  

    L’inspecteur principal Garrin était perplexe en quittant Josy: visiblement l’émotion qui l’avait envahi était partagée, et il avait un peu honte d’avoir, en quelque sorte, abusé de sa position de fouille merde assermenté, pour la p’loter sans vergogne et la questionner sans retenue. N’empêche : ce qu’il avait recueilli sur Loïc Lekervelec le confortait dans le sentiment que toute cette histoire tournait autour du pseudo peintre… Ses relations avec le punk, avec Fabio, et même avec Lulu Hortec, dont il avait découvert, grâce à Josy, qu’il le fréquentait assidûment au P’tit Bat’, tout ça, et le reste, désignait Lekervelec comme le dénominateur commun de cette histoire. Quant il posait la multiplication Elo x Miche x Vlad x Josy x Hortec x Nera x Gina x Toussaint, le résultat donnait invariablement Lekervelec, et que Lekervelec! Jusqu’à son enfance, marquée, d’après c’que lui avait raconté Josy, par un drame genre assassinat, qui semblait le prédestiner à attirer les embrouilles comme la misère attire les curetons; sur ce drame Josy - pauvre agnelle - n’avait pas pu lui dire grand-chose, sinon que quelqu’un était mort violemment quand il était jeune, en Bretagne, et que souvent, Loïc, qui parlait en dormant, évoquait en murmurant « le sang dans la barquette, le sang, partout ». La barquette… Garrin ne pouvait s’empêcher d’évoquer mentalement une sombre histoire de marin et de bateau, et du coup Loïc Lekervelec lui apparaissait presque comme un aventurier un peu trouble.

    Quand l’inspecteur principal entra dans la chambre de Vlad, avec son pack de Kanter, le punk était en train de se moucher dans un morceau de pain. Un peu écoeuré, Garrin lui fit remarquer :
    - Fais gaffe quand même : va pas t’arracher les naseaux avec la croûte…

à suivre

    - Va mourir, lui répliqua Vlad, qui avait retrouvé un peu de vigueur. C’est ces enculés de l’hosto, qui n’ont pas d’tire-jus, qui m’obligent… j’vais quand même pas m’moucher dans mes draps, merde… 
    Garrin s’abstint de lui faire remarquer qu’il aurait pu s’torcher l’nez avec du papier cul, et posa le pack de bière sur la petite table blanche, à côté du lit.
    - Merde, putain, d’la Kanterbräu, pour faire dodo ! Z’auriez pas pu prendre d’la Kronembourg, la bière qui bourre ?!...
    - Ecoute Vladimir, si tu commences à m’gonfler les glandes des couilles, j’sens que tu vas passer direct de l’hôpital à la case prison sans passer par la case départ…
    - La vache, la vanne de la mort qui tue ! Sinon à part Monopoly, vous faites quoi, dans la vie lieutenant ?!...
    Garrin avait horreur qu’on lui rappelât son appellation officielle d’officier de police, mais, plus par tactique que par conviction, il désamorça le conflit :
    - Bon, écoute, j’suis pas venu en flic, mais en voisin : j’allais juste interroger Josy, et j’me suis dit que je pourrais en profiter pour te faire une petite visite de réconfort… Maintenant, j’peux reprendre ma bière sous l’bras et l’offrir à Jo le clodo, en bas de Rochechouart…
    - Ok, c’est bon… excusez-moi pardon, mais j’ai les nerfs ici… j’aimais encore mieux les torgnolons à Casse-Trogne: au moins j’existais, j’étais pas un numéro d’chambre ! Vous savez comment qui m’appelle le toubib? Trente deux! Le trente deux par ci, le trente deux par là… On lui faire une petite ligature au trente deux et il a bien dormi le trente deux ?... Hier, tellement j’en ai eu marre, que j’lui ai laché deux grosses caisses dans l’pif quand il s’est penché pour voir ma cicatrice… Et j’lui ai dit comme ça : j’en ai encore trente deux… dans, Doc’, si ça vous tente ! Il était dégoûté, le bib’…
    Sans faire la fine bouche, Garrin fut, lui aussi un peu dégoûté, mais surtout décontenancé par la soudaine faconde de Vlad, qu’il attribua à la pompe à morphine sur laquelle le punk appuyait généreusement. Il se dit que c’était peut-être le moment de le faire causer un petit peu :
    - Dis-moi, en parlant de docteur, celui qui t’a planté, dans la chambre à Josy, tu l’as vu, non ?...
    - Oui, et pas qu’un peu, même… Parce que sa barbe, tout de suite j’ai vu qu’elle était pipeau… Du coup j’ai plus vu qu’son visage comme sans barbe… Mais c’est qu’après, quand j’étais par terre que j’me suis souvenu d’où j’le connaissais… Et sans barbe

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Commentaires
S
un barbu, c'est un barbu. Trois barbus, c'est des barbouzes. M.A. de Paris.
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