24. C’est pas gagné
24. C’est pas gagné
Ce n’est que le lendemain que Vlad informa Lekervelec qu’Elo avait « un problème avec la caution ». Loïc essaya d’en savoir plus, et questionna, en le secouant un peu, le crêteman pour lui faire cracher un éventuel morceau. Mais Vlad était au maximum de sa souv’nance, et se contentait de répéter « Oui, bon, ben ok, elle a un problème… j’sais pas,moi… t’as qu’à lui d’mander, ok, merde, quoi, c’est bon… ». Du coup Loïc commença à s’faire des cheveux… P’têt que la chanteuse voulait lui étouffer sa caution… ou p’têt, même qu’elle avait découvert le poteau rose, et deviné le faux lavis… Lekervelec s’énervait, et tournait en rond dans son gourbi…
Fallait agir, fallait pas rester sans rien faire, sans rien savoir. Si Elo avait subodoré la truanderie, alors Lulu risquait, lui aussi, de débusquer l’renard, et là, ça rigolerait plus ! Loïc Lekervelec, faussaire de mascarade, recommençait à trembler… Il fallait qu’il sache, pour Elo. Après il aviserait… Il serait toujours temps de monter un p’tit cinéma pour le manouche ombrageux , genre « pardonne-moi ami, j’me suis fait refiler un nanar, mais heureusement on m’a prév’nu et j’te préviens, et tout va bien » ! Loïc la Panique commençait à fluber, et à se demander s’il avait été bien inspiré avec ses conneries d’putains de lavis noir et sang… Le sang, du coup , ça lui évoquait le sien, bien répandu sur son lino pourri, avec des morceaux dedans… Il frissonna. Fallait qu’il sache. Y avait plus qu’ça.
« Dis-lui que c’est moi qui l’appellerait » avait recommandé Elo à Vlad. Mais en plus du « problème avec la caution », ça faisait deux choses. Donc une de trop pour sa cervelle, à Vlad. Alors du coup, il avait juste retenu la plus importante. La caution. Sauf que, en l’occurrence, la chose la plus importante, pour Loïc, ç’aurait p’têt bien été d’attendre le fil d’Elo, plutôt que de s’précipiter chez elle. Enfin, ça, c’est après qu’on peut le dire... Mais pour Vlad, c’était la caution, la chose importante. Et c’est pour ça que Loïc n’attendit pas l’appel d’Elo. Parce qu’il ne savait pas qu’il fallait qu’il l’attende. Maintenant, s’il avait attendu, c’est pas sûr non plus qu’il l’aurait eu, ce fameux coup d’téléphone. Enfin, ça aussi, c’est après qu’on peut le dire…
Parce que, quand Loïc poussa la porte entrouverte de la rue Cortot, et entra chez Elo, il s’aperçut bien vite qu’elle ne serait plus en mesure de chanter pendant un moment, la chanteuse. Et a fortiori de téléphoner. Parce que, franchement, avec la tête à moitié décollée du corps, pour causer, moi j’dis, c’est pas gagné.
(à suivre…)